Poême « Assassinats » de Léopold Sédar Senghor

Assassinats

Ils sont la étendus par les routes captives le long des routes du désastre

Les sveltes peupliers, les statues des dieux sombres drapés dans leurs longs manteaux d’or

Les prisonniers sénégalais ténébreusement allongés sur la terre de France.

En vain ont-ils coupé ton rire, en vain la fleur plus noire de ta chair.

Tu es la fleur de la beauté première parmi l’absence nue des fleurs

Fleur noire et son sourire grave, diamant d’un temps immémorial.

Vous êtes le limon et le plasma du printemps viride du monde

Du couple primitif vous êtes la charnure, le ventre fécond la laitance

Vous êtes la pullulance sacrée des clairs jardins paradisiaques

Et la forêt incoercible, victorieuse du feu et de la foudre.

Le chant vaste de votre sang vaincra machines et canons

Votre parole palpitante les sophismes et mensonges

Aucune haine votre âme sans haine, aucune ruse votre âme sans ruse.

O Martyrs noirs race immortelle, laissez-moi dire les paroles qui pardonnent.

Léopold Sédar Senghor